« Un souvenir de Summer ? Sa truffe mouillée sur mon nez »
Pour cette journée mondiale du chien, ce 26 août, Philippe Harmegnies, notre directeur, se souvient de son chien-guide, Summer. Il a eu la chance de l’avoir à ses côtés pendant près de 10 ans.
« Summer était plus qu’un compagnon, c’était un guide. Le nom de « chien-guide » est approprié, il était une sécurité, on avait créé un réel partenariat et en même temps notre relation était plus que fidèle. Il sécurisait mes déplacements et affinait ma perception des choses. Son travail était de m’accompagner bien sûr, mais dans la vie de tous les jours, je lui faisais confiance à 100 %. Il était d’une fiabilité incommensurable. »
La relation entre le chien et son maitre ne s’improvise pas. C’est un apprentissage pour les deux intervenants, afin d’arriver à un échange efficace où ils se comprennent.
« Quand on est retenu pour avoir le chien-guide, on rencontre le chien pour voir si le contact passe bien. On nous en présente parfois plusieurs mais personnellement, on m’a tout de suite désigné le bon. Il était beige et il se prénommait Summer. Il était tout jeune !
La formation du chien-guide commence bien avant la rencontre avec son futur maitre.
« Vers 2 mois, quand il était encore chiot, il avait été en famille d’accueil pour apprendre les règles de base d’éducation d’un chien : la propreté, la sociabilisation, les ordres simples, etc. Puis il revient vers un an au chenil et il apprend les premières commandes pour les déplacements. On commence par le soumettre à différentes situations pour observer ses réactions. Il peut manifester de la peur ou de l’agressivité, ce n’est pas très grave. On va le calmer, le rassurer, le remettre dans la même situation pour voir si ses réactions évoluent. Cependant, s’il continue d’avoir peur ou d’être agressif, cela pourra être dangereux pour son maitre et il ne pourra peut-être pas être orienté vers le guidage d’une personne.
Lorsqu’il est sélectionné, il part en formation avec un maitre-chien, dans un chenil. Quand on le rencontre, on le voit là-bas et on développe premièrement une relation amicale car le chien n’a pas conscience qu’il va t’être destiné. On garde un contact régulier pour voir comment il évolue, on le rencontre, on le caresse, etc.
A la fin de son apprentissage, on passe beaucoup de temps avec lui. On reste une semaine ou deux au centre de formation et le maitre-chien va nous former pour apprendre le fonctionnement du chien.
On va d’abord dans des endroits calmes pour se familiariser avec les différentes commandes que le chien connait, il y en a entre 40 et 50. On commence par des choses assez faciles à proximité du chenil : des obstacles à éviter, faire demi-tour, s’arrêter, etc. Ensuite, on va dans mes lieux de vie : ma maison, mes moyens de transports, les lieux où je vais habituellement (comme un magasin, une librairie), puis jusqu’à mon lieu de travail. Il est venu dans mon bureau, on cherchait l’endroit où il pouvait se coucher tranquillement, on l’habituait à l’organisation interne et aux collègues. Pour terminer, on faisait le trajet dans l’autre sens pour rentrer à la maison.
Arrivés chez moi, on lui retirait son « habit de travail » donc son harnais, et on voyait un peu comment il se comportait… puis on lui remettait pour voir s’il adoptait la bonne posture. C’est un vrai rituel : il voit son harnais, il s’assied et il attend que je lui enfile. On voit si tout cela fonctionne bien avec le maitre. »
A la maison, une autre vie de chien de famille commençait et beaucoup de beaux souvenirs restent encore très présents aujourd’hui.
« Si le contact fonctionne et que le chien est prêt, tu le reçois. Il faut lui apprendre que quand on lui retire son harnais, il est un chien comme les autres, il joue avec les enfants, il se dépense, etc.
Summer avait une intelligence incroyable et il gardait toujours un œil sur moi, sa vigilance était constamment en alerte.
Dans la sphère privée, on était plus dans le relationnel du maitre avec son animal où il venait chercher le contact puis il voyait s’il ne pouvait pas venir chercher quelque chose (un câlin ou une friandise). Comme tout chien, il venait poser sa tête sur un genou. Puis sur les deux genoux. Puis il mettait une patte. Et comme je ne disais rien, il mettait une deuxième patte. Finalement il se retrouvait complètement contre moi, la tête sur mon épaule et je le voyais super heureux en venant chercher son câlin.
C’était une relation très fusionnelle mais en même temps très différente d’un chien ordinaire. Nous étions très complices, c’était un ami, un confident presque ! On a une relation quasiment humaine avec lui. Pour moi, j’estimais qu’avec le niveau d’intelligence qu’il avait, il ne lui manquait que la parole. On se comprenait en un regard, on avait notre manière de communiquer. C’était une relation très profonde.
Même pour mes enfants, quand on parle encore de Summer aujourd’hui, on ressent qu’il était très important dans l’histoire de la famille. Je faisais semblant de me battre avec mes enfants, il venait mais on voyait qu’il comprenait que ce n’était que du jeu. Il n’avait aucune once d’agressivité ! Il était adorable.
Puis malheureusement est venu le moment de la séparation, il a eu un cancer et il est parti. Sa disparition a été très difficile car on perdait un membre de la famille. J’ai toujours eu des chiens dans ma vie, et même si j’avais eu une relation très forte avec chacun de mes compagnons canins, avec Summer c’était complètement différent. On met un amour tellement fort dans l’animal que j’avais presque l’impression d’avoir perdu un enfant. C’était plus qu’un animal, il était au-delà de ça. C’était très difficile de passer à autre chose car c’est un lien unique et même si je pouvais le recréer avec un autre chien-guide, moi je n’ai pas su le faire donc j’ai réappris à me débrouiller autrement par après. »
Lorsqu’on parle de « plus beau souvenir » c’est difficile de n’en sélectionner qu’un…
« Il y a le côté familial où il était un animal très doux, sensible, attentif. Puis quand il travaillait, il était un moyen de communication avec les autres. Les gens passaient par lui pour me questionner sur ma malvoyance, sur la relation avec le chien-guide et cela créait le contact. Le chien était un vecteur de communication et d’attention, de curiosité de la part des autres.
Un beau souvenir dont je me rappelle bien c’est quand on allait à la mer. On le laissait aller sur la plage parce qu’il n’y avait pas beaucoup de monde. Dès qu’on arrivait, il retrouvait son instinct primaire : labrador = eau. Il pouvait faire 2°C, la première chose qu’il faisait était de galoper vers la mer, il allait jouer dans les vagues, il retrouvait son instinct lié à sa race. Puis sur la plage, il nous rapportait la balle qu’on lui lançait, on jouait avec lui comme avec un chien ordinaire.
Mais l’immensité de son intelligence était impressionnante et il avait ce côté sympathique, un peu nounours, du labrador. »